Journal du 11 décembre 2024

Reproduction du Berger Picard :
Une race avec des défis !

pattes de chien icone les bergers du verdon élevage berger picard

Le Berger Picard, race à la fois rare et précieuse, connaît une baisse significative du nombre de naissances ces dernières années. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance, à commencer par le faible nombre d’éleveurs et de spécimens aptes à la reproduction. Avec une communauté restreinte, il devient essentiel de sélectionner rigoureusement les reproducteurs pour préserver la santé et les qualités propres à cette race unique. Cette exigence, bien que nécessaire, limite inévitablement le nombre de portées annuelles, posant un véritable défi pour assurer l’avenir du Berger Picard.

Données récupérées auprès de la page FB « Les amoureux du Berger Picard » et via la page de la SCC Les statistiques du LOF depuis 1969

Mais alors, comment l'expliquer ?

Bien que la population de Berger Picard soit restreinte, sa rareté suscite une forte demande. Cependant, plusieurs facteurs compliquent leur reproduction. Ces éléments, souvent interconnectés, limitent le nombre de naissances chaque année. Dans les sections suivantes, nous explorerons les principales raisons de cette baisse et les défis auxquels sont confrontés les éleveurs.

pattes de chien icone les bergers du verdon élevage berger picard

Nombre limité d'éleveurs actifs

La population de la race étant restreinte, le nombre d’éleveurs professionnels ou dérogataires engagés dans la préservation et l’amélioration de la race est faible. De nombreux éleveurs passionnés produisent un nombre réduit de portées chaque année, voire pas du tout certaines années.

– À ce jour, il y a moins d’une dizaine d’élevages (qui font des portées) en activité en France.
– Il faut dissocier les éleveurs actifs (qui ont reproduit en 2024), des propriétaires d’étalons (qui font uniquement des saillies).
– Avoir un affixe recensé ne veut pas dire que l’on reproduit encore.
– Ce chiffre inclut aussi bien les éleveurs professionnels que les éleveurs dérogataires.
– Les éleveurs dérogataires ne peuvent produire qu’une seule portée par an.

Rareté des étalons disponibles

La population du Berger Picard reste limitée, avec peu d’étalons confirmés et aptes à la reproduction. Le choix d’un mâle compatible avec les caractéristiques de la femelle devient alors difficile, notamment en matière de santé, génétique et conformité aux standards. Cela devient un véritable casse-tête de trouver le « bon » étalon pour sa femelle…

Petit test, filtre appliqué sur LOF Select
– Mâles confirmés (cotation 1).
– Profil ADN complet.
– Indemnes de tares oculaires.
– A des hanches.
– Moins de 8 ans.
Résultat : 18 étalons potentiels disponibles. En incluant ceux avec des hanches B, le total monte à 37 mâles.
Cependant, lorsque l’on applique d’autres critères (compatibilité avec la chienne, distance géographique, tarif de la saillie, préférences physiques), le nombre d’étalons potentiels se réduit considérablement. 
Après élimination de ces critères pratiques, il ne reste que quelques mâles disponibles pour une reproduction optimale.

Chiens de compagnie non destinés à la reproduction

La majorité des Bergers Picards sont adoptés comme chiens de compagnie. Cependant, cela ne doit pas empêcher les propriétaires de beaux spécimens d’entreprendre les démarches nécessaires pour permettre une éventuelle reproduction. En effet, un chien de famille peut tout à fait être confirmé au Livre des Origines Françaises (LOF) et faire les tests sanitaires requis, dans l’éventualité où il correspondrait avec une femelle pour la reproduction. Malheureusement, de nombreux propriétaires ne vont pas jusqu’à ces démarches, ce qui limite encore les chiens aptes à la reproduction. Cette situation contribue à la rareté des portées, ce qui complique le travail des éleveurs. Sensibiliser les propriétaires à l’importance de ces démarches est donc essentiel pour préserver la santé et la diversité génétique de la race.

Reprenons notre base de données sur LOF Select avec comme filtre appliqué :
– Mâles confirmés de moins de 8 ans
– Sans les tests sanitaires nécessaires à la reproduction (hanches, yeux et ADN).
Résultat : 113 mâles, soit 76 mâles supplémentaires par rapport au précédent filtrage.
Si les propriétaires réalisaient ces tests sanitaires, le nombre d’étalons potentiels doubleraient donc.
Et rêvons un peu, si tous les mâles « aptes » âgé de 2 ans à 8 ans non confirmés l’étaient, le chiffre pourrait facilement être multiplié par 5 !
Conclusion : Il existe un grand potentiel d’étalons disponibles, même si ces mâles sont actuellement considérés principalement comme des chiens de compagnie.

Base génétique étroite

Le Berger Picard est une race ancienne et peu répandue, ce qui entraîne une faible diversité génétique. Afin de préserver la qualité de la race, il est crucial de respecter les standards morphologiques et de réaliser des tests sanitaires rigoureux. Ce processus de sélection raisonnée rend les croisements plus complexes et limite le nombre de reproducteurs aptes à reproduire.

– Si l’on utilise un nombre restreint d’étalons et de femelles confirmés, la diversité diminue.
– Cela augmente le risque de maladies génétiques et de consanguinité.
– En l’absence d’une variété suffisante de géniteurs, les croisements deviennent plus complexes.

Obstacles à la reproduction

Les Bergers Picards sont connus pour ne pas être toujours faciles à reproduire, parfois en raison de la complexité des cycles des chiennes, de la fertilité variable des reproducteurs ou du manque d’expérience de ces derniers. Un problème fréquent est la présence de vulves barrées chez de nombreuses femelles, ce qui empêche l’étalon de saillir naturellement. Cependant, même lorsque la femelle ne présente pas cette particularité, certains mâles ont des difficultés à réussir la saillie naturelle. Dans ces cas, l’insémination artificielle devient nécessaire, ce qui augmente considérablement les coûts. De plus, certains éleveurs « de l’ancienne école » se fient uniquement au comportement de leur chienne avant d’organiser la saillie, sans réaliser de test de progestérone pour déterminer le moment optimal de l’ovulation. Cela peut entraîner des saillies hors période, où l’ovulation est soit déjà passée, soit pas encore effectuée, ce qui peut conduire à une chienne vide et une portée plus réduite. Ces obstacles, combinés aux contraintes liées aux standards de la race, réduisent le nombre de chiens aptes à la reproduction.

Tarifs des inséminations (avec variabilité des coûts en fonction du secteur et du pays) :
– Environ 80 € pour une insémination abordable.
– Jusqu’à 250 € pour une insémination plus coûteuse.
– Moyenne : environ 250 € pour deux inséminations
Tests de progestérone :
– Coût d’environ 50 € par test
– Minimum de 2 tests nécessaires.
Frais supplémentaires :
– Frais du voyage. 
– Frais de saillie
Tout cela représente un investissement conséquent pour les éleveurs, qui doivent également prendre en compte la qualité et la distance des étalons disponibles.

Faire avec les restrictions imposées

Certains propriétaires d’étalons choisissent de restreindre l’accès à leur chien, ne permettant son utilisation qu’à leur propre cheptel ou à un cercle restreint de connaissances. Bien que cela puisse répondre à une volonté de protéger des lignées spécifiques ou d’éviter une utilisation abusive de leur reproducteur, cette pratique limite considérablement les possibilités d’amélioration pour la race. En agissant ainsi, des opportunités précieuses pour renforcer la diversité génétique, essentielle à la santé globale du Berger Picard, sont perdues.
Parfois, ces décisions sont davantage dictées par des relations personnelles ou des préférences individuelles et politique que par une réflexion sur les besoins de la race dans son ensemble. Privatiser un étalon revient à concentrer ses qualités au profit de quelques-uns, tout en privant d’autres éleveurs de ressources nécessaires. Cela oblige certains à se tourner vers des alternatives coûteuses, comme des voyages pour trouver un autre reproducteur adapté, ou à envisager des croisements moins idéaux.
Dans un contexte où la race est déjà rare et les défis nombreux, il serait préférable de favoriser des échanges ouverts et une collaboration entre éleveurs. En partageant les ressources génétiques disponibles, on pourrait non seulement préserver le Berger Picard, mais aussi renforcer ses lignées pour l’avenir. L’esprit de coopération doit primer sur la logique de cloisonnement, car chaque étalon disponible est une chance de faire progresser cette race unique.

Prenons l’exemple d’un éleveur lambda souhaitant utiliser un étalon X. Après avoir étudié les lignées et vérifié la compatibilité sanitaire et génétique, il contacte le propriétaire de l’étalon. Cependant, ce dernier refuse, préférant réserver les saillies exclusivement à son propre cheptel ou à un cercle fermé d’amis éleveurs.
Face à ce refus, l’éleveur est contraint de chercher un autre étalon, parfois moins adapté ou plus éloigné géographiquement. Cela entraîne des coûts supplémentaires (déplacements, tests répétés, etc.) et limite la qualité des portées. À long terme, ces pratiques peuvent freiner les efforts pour préserver et diversifier les lignées rares comme celles du Berger Picard.

Distance géographique

Les étalons ne sont pas toujours situés à proximité des éleveurs possédant uniquement des femelles, ce qui peut nécessiter de parcourir des distances considérables, engendrant ainsi des frais parfois importants, sans parler de l’organisation supplémentaire nécessaire pour planifier la saillie. Tout cela constitue un obstacle supplémentaire pour les éleveurs.

Si par exemple je souhaite partir faire saillir ma chienne avec un étalon dans l’est de la France, sachant que je suis en Dordogne, que je conduis seule sans relais possible, il me faut une halte à mi-parcours  + une nuit sur place pour doubler la saillie à 24h d’intervalle :
– Distance aller/retour : environ 1800 km
– Péage : 80 €
– Essence (2 pleins et demi) : environ 230 €
– Hôtel (4 nuits) : environ 280 €
– Repas : environ 80 €
Total estimé : 670 €
Cela ne prend pas en compte les 2 inséminations (si nécessaire) et les 2 tests de progestérone. On peut voir qu’avec la distance, le séjour devient un réel obstacle logistique et financier…

Tarifs des saillies

Les frais liés à une saillie peuvent être élevés. Les propriétaires d’étalons fixent des prix variant selon la réputation du chien, son pedigree, ses performances en concours ou encore sa rareté. Cela peut peser lourd dans le budget d’un éleveur. 

Pour se donner une idée des tarifs pratiqués pour une saillie : 
– Soit un tarif par chiot : souvent fixé à 100 € par chiot.
– Soit un tarif fixe par saillie : peut varier entre 600 € et 1500 €, indépendamment du nombre de chiots nés.
– Soit un tarif mixte : par exemple, un montant fixe de 450 €, plus 150 € par chiot.
– En général, aucun paiement n’est requis si la chienne reste vide. Cependant, dans les cas où un tarif fixe ou une base est demandée malgré une portée infructueuse, la saillie doit tout de même être réglée. En compensation, une seconde saillie gratuite à une date ultérieure est proposée.
Le choix final revient toujours au propriétaire de la chienne, qui sélectionne la formule la plus adaptée à ses attentes mais surtout à son budget.

Santé et conformité des chiens

Les tests sanitaires sont essentiels pour garantir une bonne santé des chiots et prévenir la transmission de maladies génétiques. Cependant, certains propriétaires d’étalons ou de lices ne réalisent pas ces tests, ce qui rend leurs chiens et leurs descendants inéligibles pour une reproduction sérieuse. Cette absence de tests représente un obstacle supplémentaire à la préservation de la race. Un manque de transparence, tant dans le passé que de nos jours, de la part de certains éleveurs, voire carrément de malhonnêteté, ternit la réputation du Berger Picard. De telles pratiques, qui incluent par exemple l’omission ou la falsification de tests sanitaires, nuisent à la crédibilité de la race et à son développement durable. Il est impératif que tous les éleveurs adoptent une éthique irréprochable afin de garantir un avenir sain à la race. 

Pour qu’un chien devienne potentiellement apte à la reproduction, plusieurs démarches et tests sont nécessaires :
– Dépistage de tares oculaires : environ 120 €.
– Radiographie pour la dysplasie des hanches : environ 200 €.
– Lecture officielle des radiographies : 35 €.
– Tests génétiques : 36 €.
– Séance de confirmation au LOF : 35 €.
– Enregistrement auprès de la SCC : 27 €.
En tout, ces démarches représentent un investissement d’environ 400 € par chien, sans compter d’éventuels frais annexes comme le transport.

Petite conclusion de tout cela...

La reproduction du Berger Picard est un véritable défi pour les éleveurs, confrontés à des obstacles multiples qui entravent la préservation de la race. Face à une population restreinte, la collaboration entre éleveurs devient essentielle pour garantir une diversité génétique et une reproduction saine. De plus, la rigueur dans les pratiques d’élevage et le respect des standards sont indispensables pour assurer l’avenir de cette race unique.

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